Peuple élu ?
Le peuple élu
L’élection d’Israël est souvent source de malentendus. Le terme même d' “élection” est en réalité inapproprié dans le langage de la Bible, et plus tard, dans celui de la tradition rabbinique. Il ne s’agit pas d’une simple préférence ou d’un choix exclusif de la part de Dieu. Pourtant, combien de fois nous a-t-on reproché d'être le peuple “élu” ? Ce phénomène pourrait être comparé à une forme de gaslighting. Dans le film Hantise (Gaslight), un mari manipule sa femme en altérant subtilement son environnement et en niant ses perceptions pour la faire douter de sa propre santé mentale. De la même manière, jamais le texte ne parle d’élection au sens où on l’entend, mais on nous a pourtant fait croire que nous nous percevions comme le peuple “élu” ». Ainsi, lorsque nous cherchons à démontrer que nous n’avons jamais revendiqué ce statut, notre parole est souvent niée.
Si le gaslighting est une technique de manipulation des hommes sur les femmes, ce procédé a récemment été utilisé par des militants juifs pour évoquer la question de l’antisémitisme à gauche : nier, minimiser, voire inverser les faits. La correspondance entre ce vieux film, son usage dans le langage féministe et sa transposition récente chez les militants juifs me rappelle ces discussions interminables que j’ai avec des non-juifs, qui reprochent au judaïsme une forme de suprémacisme.
Dans notre paracha, Moïse ne se contente pas de rappeler le don de la Torah ; il évoque aussi l’épisode du Veau d’Or, ses discussions avec Dieu pour défendre les Hébreux, et le don des deuxièmes tables de la Loi. C’est précisément à ce moment que la prétendue élection prend son sens. Moïse clarifie ainsi les événements en déclarant : “Et maintenant, Israël, qu’est-ce que Hachem ton Dieu te demande ? Seulement ceci : de craindre Hachem, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme, de garder les commandements de Dieu et ses lois que je te prescris aujourd’hui pour ton bien.” En ces quelques mots, Moïse révèle le véritable sens de ce que l’on appelle “élection” : c’est la responsabilité de vivre selon la Torah.
Moïse continue en précisant : “Circoncise ton cœur” cesse d’être orgueilleux, prétentieux ou fier, et prends soin de la veuve, de l’orphelin et de l’étranger. Sers ton Dieu, c’est-à-dire, fais de chacun de tes actes des actes de justice et de bonté. L’élection n’est en aucun cas une preuve de suprémacisme supposé, mais bien la mission exigeante de suivre la voie de la Torah en appliquant maintenant les commandements. Coupe cette membrane d’orgueil qui recouvre ton cœur, cette membrane qui te fait croire que tu as été choisi par Dieu parce que tu es le meilleur et que cela t’accorde des privilèges. Coupe-la, et comprends que la seule mission que Dieu t’a confiée est de mettre en pratique son message dans ta vie. Et Moïse en fait un symbole à travers les règles concernant la veuve, l’orphelin et l’étranger. Tout l'inverse du rôle qu'on veut nous faire endosser, alors gaslighting ?
Chabbat Chalom !
Paul Bendavid