Un monde de fou- humour
# Sketch : Appel Téléphonique - “Réunion Psychiatrique”
*Le comédien fait semblant de décrocher son téléphone*
Allô ? Ah Brigitte, c'est vous ! Oui, on fait le point sur les dossiers comme convenu… Allez-y, je vous écoute.
*pause*
Le dossier Martineau ? Ah oui, le pervers narcissique… Dites-moi, on a vérifié son compte en banque ? Ah, il est PDG d'une multinationale ? Parfait ! Dans ce cas, on classe l'affaire. C'est pas de la perversion, c'est du “leadership naturel”. Mettez “personnalité forte, apte aux responsabilités”.
*pause*
Comment ça “mais docteur, il a harcelé trois employées” ? Brigitte, Brigitte… Il a “managé avec fermeté”. Nuance ! Et puis vous savez bien : les riches, ça devient pas fou, ça devient “excentrique”. C'est remboursé différemment !
*pause*
Bon, suivant… Ah, le jeune Kévin, 17 ans, dépression… Il vient de quelle famille ? HLM ? Parents au chômage ? Parfait ! Alors là, c'est du solide : trouble bipolaire avec tendances antisociales. On peut le garder 6 mois minimum. Excellent pour les stats !
*pause, ton cynique*
Non mais Brigitte, faut pas chercher compliqué : dépression + pauvre = maladie mentale. Dépression + riche = burn-out de dirigeant ! C'est pas pareil du tout ! Le riche, on lui prescrit une cure à Megève, le pauvre, on lui prescrit le cabanon !
*pause*
Dossier suivant ? Madame Bourgeois, 45 ans, mère de famille… Elle se plaint de quoi déjà ? Sa fille de 14 ans passe 10h par jour sur OnlyFans et TikTok ? Et elle trouve ça anormal ? Oh là là, encore une réactionnaire !
*ton professoral*
Notez bien Brigitte : “Résistance au progrès sociétal, difficulté d'adaptation aux nouveaux codes”. On va lui expliquer que sa fille “explore sa sexualité de manière moderne”. Prescrivez-lui des anxiolytiques, ça va la détendre !
*pause*
Comment ça “mais docteur, la gamine se filme nue” ? Brigitte ! On dit plus “nue”, on dit “en situation d'empowerment corporel” ! Faut suivre la novlangue !
*pause*
Ah, et le cas Durand ? L'agriculteur qui déprime parce qu'il arrive plus à joindre les deux bouts ? Bah écoutez, celui-là c'est simple : on lui colle une belle dépression chronique, et hop, invalidité ! Plus de problème financier ! Et nous, on a un patient à vie. Tout le monde y gagne !
*pause, très content*
Sauf lui, évidemment… Mais bon, faut bien que quelqu'un paye nos Mercedes, non ?
*pause*
Ah ! Le dossier Macron ! Non non, pas Emmanuel, son cousin germain… Même profil psychologique mais lui il vend des aspirateurs… Alors lui, c'est de la perversion narcissique aiguë ! On l'interne direct. La différence ? Ben Emmanuel, il manipule 67 millions de personnes, ça c'est du talent ! L'autre, il manipule juste sa belle-mère, ça c'est pathologique !
*pause*
Et la petite Manon, 16 ans ? Celle qui veut changer de sexe ? Ah parfait ! Ça c'est le jackpot ! Thérapie hormonale, suivi psy, opération… On en a pour 10 ans de facturation ! Et en plus c'est tendance !
*ton enthousiaste*
Brigitte, vous savez ce qu'on dit : “Un ado qui doute de son identité, c'est un portefeuille qui s'ouvre !” Plus ils sont perdus, plus on peut les garder longtemps !
*pause*
Le dossier “famille nombreuse” ? Ah oui, les Martin, 5 enfants… Les parents nous amènent leur fils de 8 ans parce qu'il joue pas aux jeux vidéo et préfère construire des cabanes… Évidemment, c'est louche ! Un enfant normal doit être scotché à un écran !
*ton médical*
Diagnostic : “Trouble du spectre numérique inversé”. Ritaline immédiate ! Il faut le remettre dans le droit chemin : isolement social, addiction aux écrans, consommation passive… Les bases quoi !
*pause*
Et n'oubliez pas Brigitte : si les parents résistent, on leur explique qu'ils font de la “maltraitance par négligence technologique”. Ça marche à tous les coups !
*pause, bilan satisfait*
Bon, c'est parfait tout ça ! Récapitulons : les riches deviennent dirigeants, les pauvres deviennent patients, les ados deviennent clients, et nous… nous on devient riches ! C'est beau le progrès !
*pause*
Ah ! Et Brigitte, j'ai failli oublier… On a eu des problèmes cette semaine. Des patients qui nous échappent ! C'est très grave pour notre chiffre d'affaires !
*pause, ton alarmé*
Oui, des gens qui se soignent… AUTREMENT ! C'est catastrophique ! Vous savez ce que m'a dit Madame Dupont hier ? “Docteur, j'ai adopté un chien et je me sens mieux.” Un CHIEN ! Vous vous rendez compte ? Un animal à 200 euros qui fait le travail de 3 ans de thérapie !
*pause, indigné*
Et le pire, c'est que ça marche ! Elle rayonne ! Plus besoin de Lexomil ! C'est une catastrophe économique ! Il faut qu'on interdise les animaleries près des hôpitaux psychiatriques !
*pause*
Non mais attendez, c'est pas fini ! Le jeune Thomas, celui qu'on traitait pour dépression sévère… Il a arrêté ses médocs pour faire du sport ! DU SPORT ! Il court 30 minutes par jour et il va mieux ! 30 minutes de course = 300 euros de médicaments en moins par mois !
*ton désespéré*
Brigitte, il faut qu'on trouve une parade ! On va dire que le sport c'est dangereux ! “Attention, risque de dépendance aux endorphines !” Ça sonne médical, non ?
*pause*
Et vous savez pas le meilleur ? La petite Julie, 15 ans, anorexique… Sa grand-mère l'a emmenée jardiner ! JARDINER ! Maintenant elle mange des radis qu'elle a plantés elle-même ! Elle reprend du poids naturellement ! C'est un désastre !
*pause, ton professoral*
Il faut absolument qu'on explique aux familles que la nature, c'est suspect ! “Méfiez-vous des remèdes de grand-mère, seule la science moderne peut soigner !” Et surtout, hein Brigitte : “Un jardin, ça peut cacher une dépression !”
*pause*
Le plus grave, c'est la mode de la méditation ! Monsieur Martin nous a échappé ! Il médite 20 minutes par matin et il a arrêté ses anxiolytiques ! VINGT MINUTES ! C'est moins cher qu'une consultation !
*ton conspirationniste*
Il faut qu'on lance une campagne : “La méditation, c'est de l'autosuggestion dangereuse !” On va dire que c'est de la secte déguisée ! Les gens préfèreront nos molécules rassurantes !
*pause*
Et tenez-vous bien… Madame Lefebvre, la dépressive chronique… Elle s'est mise à la PEINTURE ! Elle dit que “ça lui vide la tête” ! Vider la tête ! Mais enfin, c'est notre boulot de vider les têtes, pas le sien !
*pause, découragé*
Sans compter tous ces gens qui se mettent à… à… PARLER entre eux ! Ils créent des groupes d'entraide ! Ils s'écoutent ! Gratuitement ! C'est de la concurrence déloyale !
*pause*
Comment ça “mais docteur, c'est bien s'ils vont mieux” ? Brigitte ! Si tout le monde va bien, on fait quoi nous ? On ferme boutique ? Mes trois maisons de campagne, elles vont se payer toutes seules ?
*ton déterminé*
Non non, il faut réagir ! Dorénavant, on prescrit : “Surtout pas d'animal, surtout pas de sport, surtout pas de nature, et surtout surtout, pas d'amis !” Un bon malade mental, c'est un malade ISOLÉ !
*pause*
Et puis Brigitte, on a un cas très préoccupant… Le jeune Antoine, 17 ans. Sa mère nous l'amène parce qu'il devient… “bizarre”.
*pause*
Comment ça “bizarre” ? Eh bien il refuse de regarder la télé ! Il dit que “c'est de la manipulation de masse” ! Et ce n'est pas tout ! Il ne veut plus manger chez McDonald's ! Il dit que c'est “de la malbouffe qui rend dépendant” !
*pause, ton médical*
Le plus grave, c'est qu'il se pose des QUESTIONS ! Il demande pourquoi on met du fluor dans l'eau, pourquoi les gens sont de plus en plus malades… Sa mère m'a dit : “Docteur, il veut faire pousser des radis sur le balcon ! Il dit qu'il va très bien ! C'est plus mon fils !”
*pause*
Clairement, “trouble oppositionnel à la modernité”. Je prescris Ritaline et Prozac pour qu'il accepte le système !
*pause*
Mais attendez, j'ai encore pire ! Madame Durand, 45 ans, dépression sévère depuis des années… Elle nous échappe ! Elle dit qu'elle va mieux !
*ton suspicieux*
Ah, vous croyez que c'est une bonne nouvelle ? Détrompez-vous ! Vous savez comment elle prétend aller mieux ? Elle va à… à… l'ÉGLISE ! Tous les dimanches ! Et même parfois en semaine !
*pause, scandalisé*
Elle dit qu'elle “prie” et que ça lui fait du bien ! Qu'elle a trouvé “un sens à sa vie” ! Brigitte, c'est très grave ! On a affaire à de l'extrémisme religieux déguisé !
*ton professionnel*
Elle prétend même qu'elle “parle à Jésus” ! Vous vous rendez compte ? Des voix imaginaires ! C'est clairement de la schizophrénie mystique ! Il faut qu'on la surveille de près !
*pause*
Et le plus suspect, c'est qu'elle ne veut plus de ses antidépresseurs ! Elle dit : “Docteur, j'ai trouvé la paix intérieure.” LA PAIX INTÉRIEURE ! Sans molécules ! C'est louche, très louche !
*ton conspirationniste*
Entre nous, Brigitte… Ces gens qui trouvent du réconfort dans la religion, c'est dangereux ! Demain, ils vont nous dire qu'on peut guérir en priant ! Et notre business, il devient quoi ?
*pause*
Non non, il faut qu'on pathologise ça ! “Syndrome de compensation mystique avec tendances fanatiques” ! Et on va lui expliquer que c'est de l'obscurantisme ! Seule la science peut soigner, pas ces superstitions moyenâgeuses !
*pause, déterminé*
D'ailleurs, notez bien : dorénavant, si un patient mentionne Dieu, Jésus, Allah ou qui que ce soit… diagnostic immédiat : “Délire religieux compensatoire” ! On ne peut pas laisser les gens guérir tout seuls, enfin !
*pause*
Ah ! Et j'allais oublier un cas très particulier… Monsieur Leblanc nous amène son fils de 19 ans, Lucas. Le père est très inquiet pour son garçon.
*pause*
Alors attendez, vous allez voir… Le père me dit : “Docteur, mon fils a un problème grave ! Il refuse de… comment dire… de 'profiter' de sa jeunesse !” Moi je demande : “C'est-à-dire ?” Il me répond : “Il ne veut pas faire la fête, il ne drague pas, il ne veut pas… euh… multiplier les expériences !”
*ton faussement professionnel*
En gros, Brigitte, ce brave père s'inquiète parce que son fils n'est pas un obsédé sexuel ! Le jeune dit qu'il préfère attendre de rencontrer “la bonne personne” pour fonder une famille plus tard !
*pause, ton scandalisé*
Et vous savez ce que me dit le père ? “Docteur, à son âge, moi j'étais déjà passé sur toutes les filles du quartier ! Lui, il me parle d'amour ! D'AMOUR ! C'est pas normal !”
*pause*
Le père insiste : “Il faut qu'il apprenne à… à se servir ! Qu'il arrête de rêver ! Il dit qu'il veut respecter les filles ! Docteur, mon fils est peut-être…” - et là il chuchote - “…homosexuel ?”
*ton médical parodique*
Alors évidemment, diagnostic immédiat : “Trouble de l'hyposexualité juvénile avec idéalisation romantique pathologique” ! Ce jeune refuse la modernité sexuelle ! C'est très grave !
*pause*
Le père me dit même : “Docteur, tous ses copains ont déjà eu des aventures ! Lui, il préfère lire et faire du sport ! Il dit qu'il a le temps ! Mais enfin, à 19 ans, faut qu'il se dépucèle !”
*ton conspirationniste*
Vous voyez Brigitte ? Même les parents nous aident maintenant ! Ils pathologisent la pureté de leurs propres enfants ! C'est beau, le progrès ! Avant, les parents protégeaient la virginité, maintenant ils l'amènent en consultation !
*pause, satisfait*
Bon, pour Lucas, je prescris des “thérapies d'exposition progressive à l'hypersexualisation” ! On va lui montrer que l'amour vrai, c'est dépassé ! Vive la consommation affective !
*pause*
Ah ! Et Brigitte, j'allais oublier le plus important ! Pour nos internements, vous avez bien vérifié les papiers ? Parce que vous savez, on a deux types de patients…
*ton très business*
D'abord, les bons clients : les Français avec leur belle carte Vitale ! Eux, c'est du caviar ! L'hôpital touche entre 400 et 800 euros PAR JOUR ! Vous vous rendez compte ? Un schizophrène français, c'est 24.000 euros par mois de chiffre d'affaires !
*pause, enthousiaste*
Donc ceux-là, on les garde ! On les garde longtemps ! On trouve toujours une petite rechute, un petit épisode… “Ah non monsieur Durand, vous n'êtes pas encore prêt à sortir !” Et ça dure, et ça dure… C'est beau la Sécurité sociale !
*pause*
Et puis il y a les autres… Les sans-papiers, les étrangers sans couverture… Eux, c'est l'inverse ! Même s'ils ont de vrais troubles, même s'ils délirent complètement, on les garde 48h maximum !
*ton cynique*
Pas de carte Vitale, pas de remboursement ! “Allez monsieur Mamadou, vous allez très bien ! Sortez vite, voici des cachets pour trois jours !” On peut pas se permettre de faire de la charité !
*pause*
Et le plus drôle, Brigitte, c'est qu'on va garder six mois un petit bourgeois français qui a juste le blues, et renvoyer au bout de deux jours un réfugié traumatisé de guerre qui entend des voix !
*pause, satisfait*
C'est ça la beauté du système ! La folie, c'est rentable… mais seulement si elle a les bons papiers ! Pas de Sécu, pas de psy ! Simple et efficace !
*pause*
D'ailleurs, entre nous, quand un sans-papiers arrive, on lui donne systématiquement le diagnostic le plus court : “Épisode délirant bref, guérison spontanée probable.” Et hop ! Dehors ! Pas de prolongation possible !
*pause*
Ah ! Et Brigitte, on a eu des “cas spéciaux” cette semaine… Vous savez, les dossiers qui viennent “d'en haut”…
*ton conspirationniste*
Le professeur Martineau, vous vous souvenez ? L'économiste qui enseignait à la Sorbonne… Il critiquait un peu trop les politiques monétaires, il expliquait à ses étudiants comment le système financier manipule les masses…
*pause*
Alors évidemment, quelques coups de fil de certains ministères, et hop ! “Internement d'office pour délire paranoïaque antiétatique” ! Très pratique ! Maintenant il peut plus enseigner ses “théories dangereuses” !
*pause, satisfait*
Et puis le docteur Rousseau, le médecin… Lui, il avait le tort de critiquer les vaccins Covid, de parler d'effets secondaires, de poser des questions embarrassantes…
*ton faussement médical*
Diagnostic immédiat : “Trouble délirant à thématique médicale avec opposition pathologique au consensus scientifique” ! Magnifique, non ? En gros, si tu contredis l'État, tu es fou !
*pause*
C'est beau ce système, Brigitte ! Avant, on envoyait les dissidents au goulag… Maintenant, on les envoie en psychiatrie ! Plus propre, plus moderne ! Et en bonus, ça nous fait du chiffre d'affaires !
*pause, cynique*
Le plus drôle, c'est qu'on nous a dit : “Ces gens-là, vous les gardez le temps qu'il faut… jusqu'à ce qu'ils comprennent qu'il vaut mieux se taire.” Traduisez : internement à durée indéterminée !
*pause*
Et vous savez le meilleur ? Leurs familles nous remercient ! “Merci docteur d'avoir soigné papa de ses idées bizarres !” Les gens adorent qu'on normalise leurs proches dérangeants !
*ton satisfait*
Finalement, Brigitte, on fait un travail formidable ! On soigne la société de ses éléments perturbateurs ! Psychiatrie et politique, même combat !
*Il raccroche, satisfait*
Un monde de fous… Heureusement qu'on est là pour maintenir l'ordre !
*Noir*