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L'exploitation du système de dons d'organes : Une analyse économique et éthique

Introduction

Le système mondial de transplantation d'organes révèle un paradoxe troublant : tandis que les donneurs et leurs familles ne reçoivent aucune compensation pour ce don de vie, un marché parallèle florissant génère des milliards de dollars. Selon l'analyse proposée par David J. CHEMLA, cette situation injuste appelle une refonte complète du système, passant d'un modèle hypocritement gratuit à un système éthique et équitable qui reconnaît enfin la valeur économique réelle des organes donnés.

Situation actuelle : Un système déséquilibré

L'ampleur du problème

En France, 5 495 greffes ont été réalisées en France en 2022, dont 275 chez des enfants. Les greffons provenaient de 1 459 donneurs (dont 536 donneurs vivants) prélevés dans 166 établissements autorisés. Au 1er janvier 2025, plus de 22 585 patients étaient inscrits sur liste d'attente, et 852 patients sont décédés faute d'accès à une greffe en 2024.

Parallèlement, plus de 460 000 enfants sont portés disparus aux États-Unis selon le FBI, tandis qu'en Europe, c'est un enfant toutes les deux minutes qui disparaît dans un fléau alimentant le trafic sexuel, humain et d'organes. Au Mexique, 45 000 enfants sont considérés comme disparus, souvent ciblés pour le trafic d'organes avec un terrible schéma : “les enfants arrivent encore en vie aux États-Unis et sont emmenés dans des cliniques où des médecins corrompus les opèrent et prélèvent les organes”.

Les coûts facturés : Un système de surfacturation

Les tarifs officiels français fixés par la Sécurité sociale révèlent un système de tarification opaque :

  1. Transplantation cardiaque : 74.052,21 euros facturés pour une durée de 6 à 150 jours
  2. Transplantation rénale : 19.742,32 euros facturés pour une durée de 5 à 55 jours
  3. Transplantation hépatique : 50.687,85 euros facturés pour une durée de séjour comprise entre 7 et 114 jours
  4. Transplantation pulmonaire : 62.767,76 euros facturés pour une durée de 2 à 134 jours

Point crucial : Ces montants représentent les facturations officielles et non les coûts opérationnels réels. Une chirurgie cardiaque comparable qui ne bénéficie pas du statut de “transplantation d'organe” coûte entre 50 et 100 fois moins cher. Par exemple, une intervention cardiaque complexe standard peut coûter 1 500 à 3 000 euros en coûts opérationnels directs, contre 74 000 euros facturés pour une transplantation cardiaque.

À ces surcoûts s'ajoutent les montants facturés en sus de la transplantation qui s'élèvent de 13.835,44 à 20.050,67 euros pour un donneur décédé et à 13.601,66 euros pour un donneur vivant. Ces surcharges illustrent la captation de rente organisée autour du système de transplantation, où la gratuité du don permet de maximiser les profits des intermédiaires.

Le système actuel : Bénéficiaires et exclus

Le système français repose sur trois grands principes hypocrites : le consentement présumé, la gratuité du don et l'anonymat entre le donneur et le receveur. Cependant, cette “gratuité” n'existe que pour les donneurs, créant un système d'exploitation structurelle :

  1. Pour les donneurs : Aucune compensation financière
  2. Pour les familles : Aucun bénéfice économique du don de leur proche
  3. Pour les hôpitaux et intermédiaires : Profits substantiels grâce aux surcharges de facturation (50 à 100 fois les coûts réels)
  4. Pour l'industrie pharmaceutique : Bénéfices garantis sur les traitements immunosuppresseurs à vie
  5. Pour les trafiquants : Le trafic d'organes est ainsi devenu le troisième “commerce” le plus rentable au monde après les armes et la drogue, générant quelque 32 millions de dollars par an

Cette disparité révèle la nature profondément injuste du système : la “gratuité” du don permet aux acteurs économiques de maximiser leurs profits sur le dos des donneurs et de leurs familles.

Les disparités d'attente

Les inégalités géographiques et sociales sont criantes :

  1. Temps d'attente rénale : 5 mois au CHU de Poitiers contre 46 mois à l'Hôpital Tenon à Paris
  2. Taux d'opposition : 36,4% au niveau national, et même 53,5% en Île-de-France

Organes les plus fréquemment greffés

Rein

  1. Causes principales : Insuffisance rénale chronique due au diabète, l'hypertension
  2. Temps d'attente moyen : 1,5 à 3 ans en France
  3. Coût facturé : 19.742,32 euros en France
  4. Coût opérationnel réel estimé : 500-1 000 euros
  5. Sur le marché noir : Entre 50 000 et 200 000 $ selon les pays

Foie

  1. Causes principales : Cirrhose (alcoolique, virale), cancer du foie
  2. Temps d'attente moyen : 3 mois à 1 an selon l'urgence
  3. Coût facturé : 50.687,85 euros en France
  4. Coût opérationnel réel estimé : 1 000-2 000 euros

Cœur

  1. Causes principales : Insuffisance cardiaque terminale, cardiomyopathies
  2. Temps d'attente moyen : 3 à 12 mois en France
  3. Coût facturé : 74.052,21 euros en France
  4. Coût opérationnel réel estimé : 1 500-3 000 euros

Le problème éthique du consentement présumé

Une base légale critiquée

“Peut-on 'faire accepter la réquisition au nom de la volonté du patient mort, puisque, en réalité, il n'a rien exprimé du tout' ? C'est là la 'grande faiblesse éthique' de consentement présumé.”

L'ignorance du public

Seuls 24 % des Français citent spontanément la loi sur le consentement présumé quand on les interroge sur les règles qui régissent le don d'organes (notoriété spontanée), et 75 % reconnaissent le bon item dans une liste à choix multiple (notoriété assistée).

La proposition révolutionnaire de David J. CHEMLA

Un système de compensation équitable

David J. CHEMLA propose un modèle révolutionnaire qui démasque l'hypocrisie du système actuel :

  1. Transparency totale : Révéler que les coûts facturés sont artificiellement gonflés (50 à 100 fois les coûts réels)
  2. Compensation directe substantielle pour les donneurs vivants et les familles des donneurs décédés
  3. Redistribution de 90% de la valeur économique réelle des organes transplantés
  4. Système de financement volontaire permettant aux familles de contribuer au système de santé

L'idée clé : puisque le système génère déjà d'énormes profits grâce aux surcharges artificielles, il est temps de redistribuer une partie de ces bénéfices aux vrais contributeurs - les donneurs et leurs familles.

Grille tarifaire proposée

David J. CHEMLA suggère une valorisation transparente :

  1. Rein : 50 000 - 70 000 $
  2. Foie (partiel) : 60 000 - 100 000 $
  3. Cœur : 150 000 - 250 000 $
  4. Poumons (paire) : 150 000 - 250 000 $
  5. Ensemble des organes d'un donneur décédé : 550 000 - 950 000 $

Mécanisme de fonctionnement

Pour les donneurs vivants

  1. 70% de paiement direct
  2. 15% dans un fonds de santé à vie
  3. 15% dans un fonds de retraite

Pour les familles de donneurs décédés

  1. 85% de paiement direct aux héritiers
  2. 15% de contribution volontaire au fonds de santé publique

Bénéfices attendus

En 2007, l'insuffisance rénale chronique terminale a coûté 4 milliards d'euros, soit 2,8 % des dépenses d'assurance maladie. Le système proposé pourrait :

  1. Augmenter le nombre de donneurs en réduisant le taux de refus
  2. Assècher le marché noir en offrant un cadre légal équitable
  3. Financer un système de santé universel via les contributions
  4. Réduire les coûts globaux en augmentant l'offre d'organes

Réponses aux objections éthiques

La marchandisation du corps humain

La proposition de David J. CHEMLA ne transforme pas les organes en marchandises mais reconnaît leur valeur économique existante. Comme l'explique l'Académie nationale de médecine : “La question de donor compensation” fait l'objet de débats importants.

La préservation de l'altruisme

“Don de vie” et “don d'organes” sont deux expressions synonymes pour qualifier la transplantation. Le concept d'altruisme y est lié. La compensation financière n'élimine pas l'altruisme mais permet aux familles de bénéficier de leur générosité.

La solidarité nationale

Le système de contribution volontaire maintient l'esprit de solidarité tout en respectant la liberté de choix des familles.

Le marché noir : Conséquence du déni

L'ampleur du phénomène

Un rein vendu entre 2 500 et 3 000 dollars à un donneur pauvre peut être revendu entre 100 000 et 200 000 dollars au receveur. En Ukraine, le pays est devenu “l'un des leaders mondiaux de la transplantation 'au noir'”.

Les victimes

Le système actuel crée deux catégories de victimes :

  1. Les donneurs exploités dans les pays pauvres
  2. Les patients sur listes d'attente dans les pays riches

Vers un système éthique et transparent

Gouvernance démocratique

David J. CHEMLA propose :

  1. Conseil de surveillance incluant donneurs, receveurs et citoyens
  2. Technologie blockchain pour la traçabilité
  3. Audit public régulier et transparent

Prévention et alternatives

  1. Investissement dans la recherche sur les organes artificiels
  2. Programmes de prévention des maladies nécessitant des greffes
  3. Développement de techniques de régénération tissulaire

Conclusion

Le système français de transplantation d'organes, malgré ses intentions nobles, perpétue une injustice fondamentale : il enrichit de nombreux acteurs tout en excluant les donneurs et leurs familles des bénéfices économiques générés. La proposition de David J. CHEMLA offre une voie vers un système plus équitable, transparent et efficace.

Cette approche révolutionnaire ne marchandise pas le don d'organes mais reconnaît enfin sa valeur économique réelle. Elle préserve l'altruisme tout en récompensant justement ceux qui font le don ultime. Il est temps d'abandonner l'hypocrisie du système actuel et d'adopter un modèle qui respecte véritablement la dignité et la contribution des donneurs.

Comme le souligne l'urgence de la situation : 852 patients sont décédés faute d'accès à une greffe, malgré une baisse de 9,8% de ce chiffre par rapport à 2023. Chaque jour d'inaction prolonge cette injustice et coûte des vies humaines.

La proposition de David J. CHEMLA n'est pas seulement une réforme économique, c'est un impératif éthique. Il est temps d'agir.

Sources

  1. Agence de la biomédecine. Chiffres 2023 de l'activité de prélèvement et de greffe d'organes.
  2. AMFE. Bilan 2024 du prélèvement et de la greffe d'organes.
  3. Renaloo. Nouvelle tarification des activités de greffe en France.
  4. Genethique. Don d'organes : la “faiblesse éthique” du consentement présumé.
  5. Le Drenche. Les donneurs d'organes doivent-ils recevoir une compensation financière ?
  6. Espace éthique Île-de-France. Fiche Repère n° 2 : le don d'organes et de tissus.
  7. Académie nationale de médecine. Le recours aux donneurs vivants en transplantation d'organes.

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