La relation entre le nazisme et la religion traditionnelle était donc complexe: officiellement tolérante mais fondamentalement antagoniste sur le long terme.
Une grande partie du clergé, tant catholique que protestant, a gardé le silence face aux persécutions, par peur, conformisme, ou parfois antisémitisme.
Le Pape Pie XII a été critiqué pour sa “diplomatie prudente” et son manque de dénonciation publique claire de l'Holocauste, bien que le Vatican ait aidé certains juifs à se cacher.
Très divisées, avec des ailes pro-nazies importantes.
Il existe des exemples admirables comme les villages protestants du Chambon-sur-Lignon en France qui ont sauvé des milliers de juifs, ou des réseaux catholiques d'aide aux persécutés, mais ces actions sont restées trop minoritaires face à l'ampleur des crimes.
Après la guerre, de nombreuses églises ont entrepris un examen de conscience douloureux sur ce silence. L'Église catholique a notamment reconnu officiellement ses manquements lors du concile Vatican II et dans des déclarations ultérieures.
En France, la situation était plus nuancée que le simple silence, avec des exemples importants de résistance chrétienne, mais aussi de collaboration.
Cette communauté protestante, sous l'impulsion du pasteur André Trocmé et sa femme Magda, sauva environ 5000 juifs en les cachant dans ce village et les environs.
Travailleuse sociale catholique polonaise, Irena Sendler a organisé le sauvetage d'environ 2500 enfants juifs du ghetto de Varsovie. Elle les faisait sortir cachés dans des ambulances, des sacs à outils, ou par les égouts, puis les plaçait dans des familles adoptives, des orphelinats ou des couvents. Elle gardait méticuleusement trace de leur identité réelle dans des bocaux enterrés sous un pommier, espérant réunir les familles après la guerre. Arrêtée par la Gestapo en 1943, elle fut sauvagement torturée et condamnée à mort, mais des membres de la résistance réussirent à la sauver en soudoyant des gardes. Malgré ses jambes et ses bras brisés par la torture, elle continua son travail clandestin jusqu'à la fin de la guerre.
Ce groupe de religieuses catholiques, dirigé par Mère Suzanne (Louise-Marie Butte) à Paris, a sauvé des centaines d'enfants juifs. Elles utilisaient leur couvent comme refuge temporaire avant de transférer les enfants vers d'autres lieux sûrs dans le sud de la France. Les religieuses enseignaient également aux enfants juifs les pratiques catholiques pour les aider à se fondre dans leur environnement, tout en les encourageant à maintenir leur identité juive en secret. Après la guerre, elles ont aidé les enfants à retrouver leurs familles survivantes et à réapprendre leurs traditions juives.
Prêtre irlandais travaillant au Vatican, Monseigneur Hugh O'Flaherty a dirigé un réseau clandestin qui a sauvé plus de 6500 soldats alliés et juifs à Rome pendant l'occupation nazie. Utilisant des déguisements variés pour sortir du territoire neutre du Vatican, il organisait des planques dans des appartements, couvents et monastères à travers Rome.
Le chef de la Gestapo à Rome, Herbert Kappler, tenta plusieurs fois de l'assassiner et peignit même une ligne blanche sur la place Saint-Pierre pour marquer la limite du territoire du Vatican qu'O'Flaherty ne pouvait franchir sans risquer l'arrestation.
Ironiquement, après la guerre, O'Flaherty visita régulièrement Kappler en prison et finit par le baptiser en 1959
Théologien et pasteur luthérien allemand, Bonhoeffer s'opposa au régime nazi dès 1933, devenant une voix majeure de l'Église confessante, mouvement de résistance chrétienne. Il aida à organiser le sauvetage de juifs vers la Suisse et participa activement à la résistance allemande, allant jusqu'à s'impliquer dans le complot pour assassiner Hitler. Arrêté en avril 1943, il passa deux ans en prison où il écrivit des textes théologiques profonds sur la foi en temps de crise. Il fut pendu au camp de concentration de Flossenbürg le 9 avril 1945, seulement deux semaines avant la libération du camp. Ses derniers mots furent : “C'est la fin, mais pour moi, c'est le commencement de la vie.”
La France présente donc un tableau contrasté: des actes héroïques de résistance chrétienne côtoyaient des attitudes de passivité ou même de collaboration.
Le village de Chambon sur lignon
En France, plusieurs mouvements et communautés protestantes se sont particulièrement distingués dans la résistance pendant l'Occupation :
Créée en 1938, plusieurs de ses pasteurs ont été activement engagés dans la résistance.
Historiquement habituée à la résistance depuis les persécutions contre les huguenots, elle a fourni de nombreux réseaux d'entraide.
Comité Inter-Mouvements Auprès Des Évacués Fondée en 1939 par des mouvements de jeunesse protestants, elle a joué un rôle crucial dans le sauvetage de juifs, notamment dans les camps d'internement comme Gurs.
Ont participé à des réseaux de sauvetage et de résistance.
Au-delà du Chambon-sur-Lignon déjà mentionné, toute cette région à forte présence protestante est devenue un refuge.
Son président Marc Boegner a protesté officiellement contre les persécutions antisémites dès 1941.
Plusieurs de ses membres ont activement participé au sauvetage de juifs.
Notamment à travers l'action du pasteur méthodiste britannique Donald Caskie qui a aidé à l'évasion de nombreux résistants.
Plusieurs communautés baptistes ont participé à la protection de juifs, notamment dans le Sud-Ouest
Ces mouvements protestants français, souvent minoritaires dans un pays majoritairement catholique, se sont particulièrement engagés pour plusieurs raisons : leur tradition historique de résistance à l'oppression, une structure ecclésiale moins hiérarchisée permettant des initiatives locales, et une sensibilité particulière aux persécutions en tant que minorité religieuse ayant elle-même connu l'oppression historiquement.
La théologie protestante, valorisant la responsabilité individuelle de la conscience face à Dieu plutôt que l'obéissance à une autorité ecclésiastique, a également favorisé cette résistance active.
Les chrétiens qui ont résisté au mal pendant la Seconde Guerre mondiale l'ont fait pour plusieurs raisons profondes:
Ils voyaient dans le commandement d'aimer son prochain une obligation morale absolue qui ne pouvait être compromise, même face au danger. Pour eux, les enseignements du Christ sur l'amour, la justice et la dignité de chaque être humain n'étaient pas négociables.
Certains, particulièrement dans la tradition protestante, accordaient une importance primordiale à la responsabilité individuelle devant Dieu, au-delà de toute autorité temporelle.
Plusieurs résistants chrétiens faisaient le parallèle avec les récits bibliques de résistance à l'oppression (comme l'Exode) et voyaient leur action comme une continuation de cette tradition.
Le contact direct avec les victimes rendait impossible l'indifférence pour certains croyants, transformant une abstraction en visages humains concrets.
Les résistants chrétiens agissaient rarement seuls - ils étaient souvent soutenus par des réseaux de croyants partageant les mêmes valeurs, ce qui renforçait leur détermination.
Certaines communautés, comme les protestants français, avaient une mémoire historique de persécution qui les rendait plus sensibles à la souffrance d'autres minorités.
Plusieurs leaders de la résistance chrétienne (comme Bonhoeffer) avaient une compréhension théologique sophistiquée qui leur permettait de distinguer entre obéissance légitime et collaboration avec le mal.
L'expérience d'André et Magda Trocmé au Chambon-sur-Lignon illustre bien ces motivations. André Trocmé déclarait simplement :
“Ces personnes sont venues ici pour quelque chose. Je suis leur berger. Un berger ne discute pas. Il ne demande pas à une brebis blessée : 'Est-ce que tu mérites que je t'aide?' Il soigne sa blessure, il la protège.”
André Trocmé, pasteur protestant réformé, et sa femme Magda ont transformé leur petit village montagneux du Chambon-sur-Lignon en un sanctuaire pour les réfugiés juifs. Sous leur leadership, cette communauté protestante a sauvé environ 5000 juifs, dont de nombreux enfants. Lorsque les autorités de Vichy ont ordonné à André Trocmé de livrer les réfugiés, il a simplement répondu : “Nous ne savons pas ce qu'est un Juif, nous ne connaissons que des hommes.” Malgré la surveillance constante, les arrestations (André fut brièvement emprisonné), et les risques d'exécution, le village entier a participé à cet effort collectif, cachant des réfugiés dans les fermes, leur fournissant de faux papiers, et les aidant à traverser la frontière suisse.
Ces résistants chrétiens incarnaient une lecture radicale de la parabole du Bon Samaritain, où l'action concrète pour secourir l'autre devient l'expression authentique de la foi.
La parabole du Bon Samaritain est l'une des histoires les plus connues enseignées par Jésus, rapportée dans l'Évangile de Luc. Elle raconte l'histoire d'un homme juif attaqué par des brigands et laissé à demi-mort sur le bord de la route. Un prêtre et un lévite (deux figures religieuses respectées) passent à côté sans l'aider, mais un Samaritain (membre d'un groupe méprisé et considéré comme hérétique par les Juifs) s'arrête, soigne ses blessures et s'assure qu'il reçoive les soins nécessaires.
Aimer son prochain, quel qu'il soit, au point de risquer sa propre vie pour le sauver.